La naissance de Faham : l’histoire d’une passion pour l’exploration
Estelle Laboureur
Auto-Biographie
Des racines multiples au fondement d’une mise en mouvement
Nous sommes des êtres composés d’identités plurielles. Nous existons à travers la somme de tout ce qui nous définit et non pas en empruntant une seule de ces composantes. Guidés par des valeurs, des attitudes, des personnalités, des goûts, des appartenances culturelles, spirituelles, des époques…et bien plus encore, nos vécus singuliers prennent leurs sources dans des ramifications variées.
Le reconnaître est un véritable voyage.
Ça l’a été pour moi, ça l’est encore….et cette quête transparaît dans le nom de mon entreprise : Faham.
Ce qui est extraordinaire avec le Faham, c’est que ses racines poussent dans les reliefs escarpés de l’île de La Réunion pendant la saison cyclonique. Quelle résilience et quelle force de la nature logées dans cette délicate orchidée sauvage ! Rare et endémique, elle peut être utilisée en tisanes, breuvages médicinaux et pour caraméliser le rhum arrangé.
Un métissage frappant, détonant, émouvant qui me rappelle nos humanités, nos polarités.
Faham me relie à ma lignée de femmes, à celles du monde entier, à leur diversité. J’entends « âme » aussi, comme le murmure mystérieux de chaque Être à l’intérieur de nous. La convergence entre la Science et la spiritualité. Et j’y vois des flammes passionnées, naissant des braises de nos existences communes, interdépendantes.
Faham s’est logé dans un acronyme, celui de mon entreprise : Fonder un Accompagnement Humain sur l’Anthropologie et le Mouvement.
C’est son histoire que j’ai envie de vous conter aujourd’hui. Je vous embarque avec des fragments de moi pour vous partager l’essence de ce que je souhaite transmettre.
Quelles empreintes j’ai posé pour bâtir les fondations de mon activité ?
Qu’est ce qui m’a amené à créer Faham et que signifie concrètement cet acronyme ?
Pour quelles raisons ai-je décidé d’être indépendante ?
Autant de questions auxquelles j’ai envie de proposer des éléments de réponses. En commençant par dire que rien n’est lié au hasard, que tout est une question de rencontres, de mise en mouvement et d’ouverture. Ces trois mots constituent la pierre angulaire de mon activité. Photo 1 - Racines multiples.jpg334 KB
Voyage au-delà des frontières
Enfant, j’ai grandi dans un parc national au cœur de l’Afrique, avec des parents engagés dans la conservation de la faune et plus largement de la biodiversité. Sans testament, j’ai hérité de ma famille de ce qu’il y a de plus précieux pour moi : une âme exploratrice, curieuse, voyageuse, amoureuse du vivant et de la Nature.
J’ai évolué au milieu de la brousse, avec les centrafricains, imprégnée dès mon plus jeune âge d’une double culture. Estelle, je suis aussi « Yassi Gounda » qui signifie « la femme de la brousse » en langue Banda, un des dialectes de la République Centrafricaine.
Et j’ai eu la chance de côtoyer tous les animaux de la savane. Trente ans plus tard, la majorité d’entre eux ont aujourd’hui disparu, décimé par le braconnage intensif.
J’ai d’abord voulu devenir vétérinaire. Ce rêve absolu ne m’a jamais quitté ! Il m’a amené à faire mes premiers stages en clinique. Or, il a fallu que je me rende à l’évidence, les Sciences naturelles, les mathématiques et la physique-chimie étaient mes principales bêtes noires au lycée. J’ai donc rayé, non sans douleur, ce métier de mon esprit.
Pour que je retrouve une motivation, je devais être guidée par un autre métier. Nous étions en 2007 et j’avais mes vœux post-bac à formuler. J’ai donc ouvert une brochure de l’ONISEP, et je suis tombée sur le métier d’anthropologue. Je me rappelle alors de la sensation qui a traversé mon corps à la lecture du descriptif. Mon cœur s’est ouvert et dès lors je me suis fixé l’objectif d’être anthropologue.
Immersion dans les Sciences Humaines et Sociales
Après mon BAC ES, j’entre à l’Université Catholique de l’Ouest à Angers pour suivre une licence de sociologie avec la mention anthropologie. Je me suis très vite sentie à ma place, au sein d’une promotion réduite, motivée, fédérée autour des mêmes centres d’intérêts. Et je me suis passionnée pour la recherche. Elle est devenue inhérente à ma façon de vivre et de penser.
D’ailleurs, c’est récemment que j’ai établi un parallèle amusé entre la démarche de recherche en sciences humaines et mon nom de famille. J’ai compris la portée de ce dernier ! Et oui, le labour… Cette technique culturale qui consiste à ouvrir la terre à une certaine profondeur, à la retourner avant de semer. Comme lorsque je mène des enquêtes ! Je m’ouvre à un questionnement, je creuse la problématique, j’explore, j’observe, je m’immerge, je vais voir encore plus profondément. Et je trouve la graine à partir de laquelle se déploiera un champ de réponses, de réflexions. Je la sème et je la fais fructifier pour ensuite la partager et transmettre au plus grand nombre.
J’ai senti que les Sciences Humaines et Sociales me reliaient au vivant, dans ses aspects les plus intimes comme les plus universels. Et puis elles m’ont permis de saisir des clés de compréhension du monde, de mettre du sens, de la transversalité et de la perspective ; d’aller sonder mes révoltes profondes et d’y mettre de la distance.
C’est ma première immersion dans l’univers de la recherche et en même temps j’ai l’impression d’avoir toujours été baignée dans cette manière d’être au monde. J’apprends les différents courants disciplinaires, théoriques et les méthodes de terrain. Je suis particulièrement animée par les méthodes qualitatives. Celles-ci s’articulent autour de l’observation, de l’immersion, des entretiens, de l’écoute, de l’écriture…Et je me fonds dans cette posture avec fluidité et plaisir. Dans le pas à pas, j’affine mon esprit critique ; je procède avec rigueur pour produire des données, des interprétations partagées, robustes, respectueuses des faits et qui s’appuient sur des matériaux diversifiés recueillis de façon empirique.
L’étincelle déjà allumée s’embrase lors de mes stages.
Expériences de terrain
Dès la deuxième année de licence, je m’envole pour la Nouvelle-Calédonie, accompagnée de deux mentors anthropologues Benoît Carteron et Pierre-Yves Le Meur. Ils ont été de véritables alliés dans le défrichage de mon chemin de chercheuse. Nous travaillons ensemble sur l’identité et l’appartenance au pays des Calédoniens d’origine européenne (Caldoches). Accueillie à l’Institut de Recherche pour le Développement à Nouméa pour un mois et demi, je traverse l’archipel entre paysages ruraux et miniers. Témoin de récits brûlants, je plonge au cœur d’une anthropologie sociale et culturelle en décryptant les processus identitaires entremêlés au destin singulier de La Nouvelle-Calédonie.
Ce stage me convainc de poursuivre et je décide de capitaliser cette première formation en m’inscrivant dans le Master de sociologie spécialisé dans les métiers du développement territorial et de l’économie sociale et solidaire à l’UCO. Il s’agit d’un Master hybride, professionnel et de recherche, qui s’effectue en partenariat avec l’ESSCA. Ce parcours correspond en tout point à mes attentes. Car déjà à cette époque, ma volonté d’être libre et indépendante m’amène à élargir ma vision et à diversifier mes expériences.Je ne souhaite pas me spécialiser uniquement dans la recherche. J’ai besoin d’y avoir un pied et de laisser vagabonder l’autre dans diverses situations professionnelles.
Je fais un premier stage dans un réseau de l’économie sociale et solidaire qui me permet d’expérimenter le développement local et de mieux comprendre le milieu associatif.
Et mon stage de fin d’études marque une période décisive pour mon projet professionnel. Je suis embauchée dans une ONG de développement international, l’Afdi (Agriculteurs Français et Développement International) pour intervenir dans le cadre d’une coopération décentralisée entre la région Pays de la Loire et le gouvernorat de Gafsa en Tunisie. Ma mission ? Appuyer la mise en place d’un partenariat entre l’ONG (expertise dans le domaine agricole) et une association de jeunes « chômeurs diplômés » qui souhaite accompagner ses adhérents à la création de projets paysans dans leur lieu de vie, Sened. C’est pour eux un retour à la terre salutaire pour sortir de la crise du Printemps arabe manifestée en 2011. Nous sommes en 2014 et je suis alors munie de deux casquettes : chargée de mission en développement international et chercheuse en sciences humaines et sociales. Et j’adore l’alliance des deux.Je suis animée par cette complexité fluide, que je souhaite devenir omniprésente dans ma pratique : être dans l’action et (m’) observer en prenant de la hauteur. Je me relie ici à cette phrase de Blaise Pascal, Pens. I, 1 , édit. HAVET : « Je tiens impossible de connaître les parties, sans connaître le tout, non plus de connaître le tout sans connaître les parties ». Je ferais prochainement un article sur cette notion de complexité qui m’est si chère.
J’entre dans le monde de la coopération internationale. Je découvre les fonctionnements de réseaux à différentes échelles et les rouages des « cadres logiques » soumis par les bailleurs. En les manipulant, je me rends compte à quel point ceux-ci sont souvent déconnectés de la réalité et de la temporalité du terrain. Terrain dans lequel je suis entièrement immergée. Au-delà de l’extraordinaire expérience humaine que je vis aux côtés des tunisiens qui m’accueillent et avec lesquels je tisse des liens indéfectibles, je ressors de cette expérience avec de grandes prises de conscience qui me feront rédiger mon mémoire de recherche que j’intitule : Les processus sociaux dans un projet de développement international : entre coopération et rapport de forces. L’exemple d’un partenariat entre une ONG française de développement agricole et une association tunisienne rurale.
Pour ce faire, je suis remarquablement accompagnée par Charles Suaud, sociologue, enseignant chercheur émérite qui n’aura de cesse de me transmettre sa passion pour son métier. Photo 2- Différents terrains.jpg404 KB
A l’issue de cette période, je constate que je souhaite travailler dans la recherche en ayant un axe « action » (recherche-action donc ?) ; je suis animée par les questions liéesaux processus identitaires, à l’interculturalité, à la rencontre entre différentes représentations et vision du monde ; je me rends compte de la portée précieuse des Sciences qui permettent de sortir du déni et de l’illusion. A ce sujet, j’ai pris beaucoup de plaisir à regarder le récent fil : Don’t look up : déni cosmique, réalisé par Adam McKay (2021). Initiation doctorale et insulaire
Après l’Afrique, la Nouvelle-Calédonie et la Tunisie, je décolle cette fois pour l’île de la Réunion pour réactualiser un projet de thèse rédigé en 2007 par Hélène Jarousseau, anthropologue. Je sais alors que je démarre une épopée d’au moins trois ans, pour travailler sur l’évolution du territoire de la Plaine des Cafres dans ses aspects agricoles, touristiques et environnementaux. Un concerto à plusieurs voix puisque l’enjeu est de rencontrer autant les institutions économiques, politiques, que les professionnels du secteur touristique, les agents du parc national et toutes les familles d’éleveurs d’une localité qui s’appelle la Grande Ferme. Je suis rattachée à l’Université de la Réunion et accueillie au CIRAD, dans un milieu de recherche agronomique.
Nous sommes en janvier 2016 et c’est le point de départ d’une véritable odyssée initiatique au cœur de La Réunion, des dynamiques familiales des éleveurs de la Grande Ferme, d’un territoire aux portes du volcan et …de moi-même. J’y reviendrai bien sûr puisque je prévois un article complet sur mon expérience de thèse afin de vous expliquer ce qui m’amène aujourd’hui à construire un accompagnement exclusivement dédié aux jeunes chercheurs.
Après des milliers de kilomètres parcourus sur l’île, d’innombrables rencontres plus riches les unes que les autres, une centaine d’entretiens effectués, des heures et des heures d’enregistrements, une dizaine de carnets griffonnés de notes, des photos en veux-tu en voilà, de précieux regards croisés, de cœurs reliés et 500 pages rédigées … je soutiens ma thèse avec bonheur et fierté. Je suis officiellement Docteure en Sociologie, anthropologie et géographie. Bien que rattachée au CNU 23, je me sens d’abord experte en sociologie-anthropologie.
L’ESSENCE de la recherche…sinon rien !
A partir de là, ce que je retiens, c’est que je souhaite poursuivre à partir de l’ESSENCE même de la recherche. Car c’est bien elle qui m’anime. Et non pas les enjeux qui l’entourent et qui annihilent la préciosité des travaux qui en découlent. Si vous le souhaitez, vous pouvez d’ores et déjà lire l’ouvrage d’Adèle B. Combes (2022) : Comment l’université broie les jeunes chercheurs – enquête sur un gâchis français.
Je souhaite poursuivre une voie d’exploration du monde qui ne se fera plus jamais au détriment de moi et dans laquelle je décide d’allier mes trois intelligences : l’intellect, l’émotionnel et le corps.
Chronologiquement, sur les six derniers mois de ma thèse, j’ai eu l’immense chance et la belle opportunité de travailler en collaboration avec l’équipe d’hématologie clinique du CHU Sud Réunion en lien avec une thèse au sujet des bénéfices de l’activité physique adaptée et de la cohérence cardiaque pour un retour progressif à la vie active chez des patients en rémission de cancers. Alors que je suis en pleine structuration et rédaction de mon manuscrit, quel plaisir de retourner sur un nouveau terrain et de mener des enquêtes ! S’ouvre à moi un nouveau domaine, la sociologie et l’anthropologie de la santé. Ce projet terminé et ma thèse finalisée se pose alors la question de ce que je souhaite faire. Et je ne trouve pas de réponse immédiatement.
Du déséquilibre au « fil rouge »
Je vis quelques mois de repos, d’errance et d’essais de candidatures infructueux. Je nourris alors d’autres projets magiques sans parvenir à bâtir une colonne vertébrale. Le premier confinement m’amène à une grande phase d’introspection et c’est à cette période que naît l’idée d’exercer mon métier de façon indépendante. Quel métier ? Comment ? Avec qui ? Sous quel statut ? Je ne sais pas encore, mais l’envie est là. Et elle grandit ! En janvier 2020, je décide de me faire coacher par Mariama-Johanna Bah. Je m’engage donc dans un parcours vertigineux au cœur de moi, accompagnée et soutenue. Grâce à ce canevas sur lequel je peux tisser en sécurité mon fil rouge, en me reliant à ma boussole, ma concrétisation prend forme. En mars 2021, je suis appelée par la DRCI (Délégation à la Recherche Clinique et à l’Innovation) du CHU Sud Réunion ; ils ont besoin de compétences en Sciences Humaines et Sociales pour finaliser une étude au sujet des soins palliatifs, en faire l’analyse et la valorisation. Mon cœur bondit et c’est bon signe !
C’est le déclic. Instantanément, je crée ma micro-entreprise et je m’installe en tant que chercheuse, consultante indépendante. Le nom Faham résonne depuis plusieurs mois et c’est spontanément que je choisis de l’appliquer à mon activité. A partir de là, les portes s’ouvrent et je crée mon métier.
Saisir des morceaux du réel est un acte de foi
Je vois Faham comme un espace vivant, mobile, évolutif en fonction de ce que je traverse. Actuellement, c’est l’articulation entre trois domaines d’activités principaux que je réalise : la recherche, la formation et l’accompagnement.
Je me vis entre plusieurs mondes et je ne peux me résoudre à en exclure de mon quotidien. Je l’incarne donc dans mon entreprise. L’objectif est de transmettre le lien, le mouvement et la préciosité de la rencontre en mobilisant les Sciences Humaines et Sociales.
Pour ce faire, ma posture propose d’établir des ponts entre la démarche scientifique en socio-anthropologie et les espaces du sensible, en plaçant l’Être Humain au cœur.
C’est pour cette raison que j’identifie l’accompagnement comme un des phares de mon activité. Je vous rencontre, je cerne vos besoins, j’explore avec vous vos attentes et je vous associe à chaque étape pour que vous puissiez vous approprier tout le processus et en valoriser les résultats. « Transmettre, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu » écrivait Montaigne au XVIème siècle. Aviver une flamme dans le cœur des personnes qui collaborent à mes côtés est indissociable de la démarche scientifique que je propose.
C’est aussi pour cette raison que je parle de mouvement. Les résultats de mes recherches et de mes interventions apportent toujours des clés de réflexion et de compréhension qui ont la possibilité de contribuer à la transformation sociale. Collaborer avec moi contribue à ouvrir grands des portes que vous avez entrebâillées ; à sortir de l’immobilisme, du figement, des conditionnements et des acquis. C’est pourquoi une des missions transversales de Faham, quelle que soit l’activité que je mène est de proposer des « pas de côtés ». De prendre conscience des schémas, des modèles et des fonctionnements sociaux qui nous façonnent. Comment ?
- En éclairant nos modes de pensée, nos représentations, nos croyances et nos visions du monde
- En élargissant nos regards et en captant l’univers des autres
- En dépassant les étiquettes, les interprétations binaires pour retrouver de la nuance
- En créant des liens, des ponts entre des situations, des êtres et des groupes
- En s’adaptant à l’évolution de nos sociétés. Photo 3 - Acte de foi.jpg199 KB Ensemble, nous saisissons des morceaux du réel, des fragments de l’univers social et ainsi nous nous accompagnons à la prise de conscience de nos conceptions érigées sur nous-mêmes, les autres et sur le monde. C’est un acte de foi envers l’humanité toute entière.
Avec les outils de la sociologie et de l’anthropologie nous pouvons croiser nos regards, bâtir une connaissance commune, pour sortir du déni collectif et nous réinventer sociétalement. En analysant les incompréhensions, les situations de blocages, les conflits d’usages nous pouvons retrouver des espaces de réflexions et d’actions. L’enjeu n’est pas le changement. L’intention est le ralentissement. Comme une respiration. Pour observer ce qui est défini comme acquis, évident et inviter la prise de recul. Je suis convaincue que si nous questionnions à chaque instant l’endroit d’où nous parlons, d’où nous pensons, d’où nous agissons, les ponts auraient depuis longtemps remplacés les murs.
Déconstruire ne signifie pas détruire ni faire table rase. Seulement, il est possible de semer de nouvelles graines pour goûter la diversité. J’y contribue en reliant le monde de la science, des sens et du mystère. Pour toutes ces raisons, je célèbre mon indépendance. Et comme la clé de voûte de mon entreprise est la rencontre, je me réjouis de tout ce que nous allons créer ensemble ! A très vite pour les prochaines aventures de Faham !